Coucou !
Je suis ravie de publier aujourd’hui ce nouvel article sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : la spiritualité. Avant de démarrer, je tiens à préciser que je n’ai pas rédigé cet article pour juger qui que ce soit, ou mettre en évidence une vérité qui n’est autre que la mienne. Mon article tâche de mettre en lumière à la fois une « tendance », mais je l’illustre également par mon expérience personnelle. J’y ai donc mélangé un peu de moi, de mes expériences ici et ailleurs, que j’ai saupoudré d’un peu de sciences humaines et sociales : en gros du pur Alexandra. Puisque je pars du principe qu’il est important de faire ce qui est bon pour nous dans la vie, il n’y a pas de problème : l’idée est d’être au maximum « droit dans ses pompes » et fidèle à ses valeurs. J’ai d’ailleurs trois valeurs : la première c’est d’être la plus authentique possible. Pour moi, l’authenticité passe par la mise en lumière de ce qui m’interpelle, m’interroge et m’émerveille. La deuxième, c’est le respect d’autrui, je ne suis pas forcément en accord avec les visions du monde des autres, mais ce n’est pas pour autant que je leur manque de respect. Et ma troisième valeur, c’est le partage. Nous ne partagerons donc peut-être pas le même avis ici, mais l’idée c’est d’échanger. N’hésite donc pas à faire valoir ton expérience en commentaire car elle est riche et utile pour tout le monde. Tu es prêt(e) ? Alors c’est parti !!!!
Petit point rapide sur la spiritualité…
Après avoir travaillé des années sur l’hindouisme, j’ai toujours été intéressée et fascinée par le concept de « spiritualité ». Je ne suis pas issue d’une famille dont la religion avait une grande importance, c’est pourquoi la spiritualité que je connais n’est donc pas liée à la vie spirituelle religieuse occidentale, celle de la dévotion à un dieu. C’est en Inde, assez tardivement, puisque je devais avoir 21 ans, que j’ai découvert la spiritualité associée au culte des divinités de l’hindouisme. C’est un sujet qui m’a passionnée des années étant donné que j’ai choisi de m’y dévouer corps et âme durant mes études supérieures à Paris.
Et c’est toujours en Inde, au contact de différents enseignants, dits « gurus », avec lesquels j’ai appris le yoga, que j’ai découvert une autre conception de la spiritualité.
Mais le yoga « athée » que nous connaissons aujourd’hui en Occident est surtout connu pour sa dimension posturale, non pas pour ses philosophies. Pourtant, à l’origine, il est bien imprégné de religion, et particulièrement d’hindouisme. Parfois athée, parfois théiste, au fil du temps, les grands traités du yoga changent plus ou moins de signification selon de quelle école religieuse ou philosophique sont issus leurs commentateurs. Par exemple, la célèbre Bhagavad-Gītā, littéralement « chant du bienheureux », rédigé entre le Vème siècle et le Ier siècle avant notre ère, est le premier texte dans l’histoire religieuse de l’Inde où la dévotion à une divinité a une place centrale. Et c’est notamment dans la Bhagavad-Gītā où l’on parle de « sāṃkhyayoga » : le « yoga fondé sur la philosophie sāṃkhya ». La grande épopée, le Mahābhārata, grand poème épique datant des derniers siècles av. J.-C dans lequel la Bhagavad-Gītā y a été inséré, reconnaît déjà le « Yoga » en tant que système. Il y est d’ailleurs discuté comme un véritable système philosophique dans de nombreux passages épars de ce grand texte. En Inde, la spiritualité prend ainsi tout son sens dans la religion et la philosophie, et elle semblerait d’ailleurs prendre ses racines dans le yoga.
En occident, c’est aussi dans le domaine purement théologique que le terme de « spiritualité » est employé le plus communément. En effet, ce dernier désigne l’ensemble des « croyances et des pratiques qui concernent la vie spirituelle ».
L’utilisation du concept « spiritualité » remonte au XIIIème siècle et son utilisation courante date du XVIème siècle. Son étymologie en latin est « spiritualitas » (utilisé en 1283) et « spiritus » qui signifient « esprit » et « souffle ».
Selon Le nouveau Petit Robert et le Littré, la spiritualité au sens philosophique représente ce qui est « indépendant de la matière ». C’est aussi un ensemble de « croyances », de pratiques qui concernent la vie spirituelle. En bref, d’après son étymologie, ce mot désigne donc « ce qui est de l’ordre de l’ « esprit » ». Vous l’avez donc compris, le concept de « spiritualité » prend ainsi sa source dans « l’immatérialité ».
Quant au terme « d’esprit », souvent employé à tord et à travers dans le langage commun, a d’abord été utilisé en occident à la fin du Xème siècle, « spiritus », il signifiait le « principe de vie », ou « l’âme » des humains. Au début du XIIème siècle, il définissait le : « vent », le « souffle », « l’air ». A la même période, ce terme désignait aussi le « souffle créateur envoyé par Dieu ». Par la même, nous pourrions d’ailleurs faire un rapprochement avec le terme sanskrit, « Prāṇa », qui signifie « souffle vital » ou « l’énergie vitale », communément employé dans le yoga pour définir cette même chose « immatérielle », « impalpable » qui nous permet de rester en vie. Ce fameux souffle, concept insaisissable qui défit les lois de la science. A première vue, il semble donc que l’émergence de la spiritualité apparaît dans un cadre religieux institutionnel.
A partir des années 1960-1970, les sociologues ont beaucoup étudié le déclin de la religion en tant qu’institution. En effet, celle-ci laisse progressivement la place à un « contre mouvement », une « contre culture », de nouvelles formes de religiosités que les sociologues ont appelé « les nouveaux mouvements religieux ». C’est notamment à partir de ce phénomène que la spiritualité a pris un nouvel essor, ce moment à partir duquel nous nous posons la question du sens de notre existence. Si la religion institutionnelle était collective, la spiritualité relève d’une perspective plutôt individuelle souvent en opposition avec le matériel. Aussi, les sociologues ont montré que ce nouveau courant spirituel se développait aussi rapidement que l’incertitude qui caractérise tant les plans de l’économie et de l’écologie que l’environnement des individus eux-mêmes.
De l’immatériel au palpable…
Il semblerait donc que par ses « croyances » (qui relèvent de « l’esprit », ou du « mental », choisissez le terme qui vous semble le plus approprié), l’être humain cherche ainsi à se dégager de toute matérialité dans sa vie de manière à l’aider à y trouver un sens. La croyance en un dieu est alors progressivement remplacée par d’autres croyances. Par conséquent, le « spirituel » est toujours « immatériel ».
Mais l’être humain est fascinant tant il est rempli de contradictions. En effet, il semblerait que la réalité soit tout autre pour certains individus puisque la spiritualité se situe justement en plein dans le domaine de la matérialité et de la consommation.
Si la spiritualité représente tout ce qui est « dégagé de matérialité », à dire vrai, le « marché » du spirituel est aujourd’hui particulièrement porteur et il a vraiment le « vent en poupe ». Il se décline de multiple manières et la demande est très diverse tant par des prestations marchandes et commerciales que par des prestations de service dite non-commerciales : culte des soins énergétiques, médiumnité, néo-paganisme, engouement pour les cultures orientales, souhait de retour à la nature, chamanisme, collections de pierres, etc.
Nicole Aubert, dans son ouvrage, L’individu hypermoderne (2004), dresse un portrait de l’individu contemporain aux facettes multiples et contradictoires. Il est centré sur la satisfaction immédiate de ses désirs et intolérant à la frustration. D’autres auteurs ont également montré comment la consommation situait les individus dans le monde social mais aussi comment leurs états émotifs pouvaient être exprimés pendant la consommation. D’ailleurs, il semblerait que beaucoup de blogueurs-influenceurs « bien-être » sont issus de formation en commerce et marketing. Ils ont donc bien intégré ces phénomènes que Nicole Aubert et d’autres sociologues ont ainsi mis en évidence. Il est aussi très intéressant de constater que les éléments du bouddhisme ou du yoga, qui prônent l’ascétisme, le désintéressement, le détachement de toute matérialité et de ses désirs, sont instrumentalisés par ces nouveaux « gurus 2.0 », les blogueurs « bien-être ». Force est de constater qu’ils poussent d’ailleurs souvent à la consommation de biens marchands (oracles, pierres, etc). Nous pouvons observer cet engouement pour la « spiritualité » sur les réseaux sociaux, notamment sur le célèbre « royaume du Fake généralisé » pour reprendre les mots de la journaliste Mélanie Mendelewitsch dans son article du Nouvel Obs. Sur Instagram, cette nouvelle tendance de la « spiritualité consommation » est omniprésente. Quête de sens, recherche de bien-être, recherche de soi : hashtag #witch #spirituality #guidance #gratitude #pagan, #yoga, etc. Achats d’oracles, de bols tibétains, de bijoux énergétiques type mala, etc. L’acquisition de ces objets est porteuse de sens et montrent ainsi quels sont les mécanismes d’appropriation derrière lesquels nous pouvons trouver une recherche/quête de sens : besoin d’appartenance à un groupe social, désir, satisfaction immédiate, émotions…
Les chercheurs en sciences humaines et sociales ont montré qu’aujourd’hui le concept de spiritualité est relativement controversé tant ses caractéristiques varient en fonction de sa définition laïque ou religieuse, mais il reste néanmoins un marché tout à fait florissant.
Je dois avouer que ce sujet m’a beaucoup intéressée puisque, moi-même, j’ai basculé un temps du côté de la « conso-spiritualité » notamment par le biais d’achat en masse d’ouvrages en développement personnel. En revanche, je n’ai jamais été très « gri-gri », donc je n’ai jamais acheté des tas d’oracles, d’amulettes, des pierres, etc (même si j’en possède un peu quand même ! Je l’avoue !). Je n’ai pas non plus cherché à intégrer des retraites « spirituelles » et/ou des stages de « chamanisme » qui ne m’attirent guère. Toutefois, j’ai participé à de nombreux cercles de femmes avant que cela soit très répandu et je suivais aussi de très près les blogueurs influenceurs « bien-être » puisque, moi-même, je « navigue sur ces mêmes eaux » en tant que professeure de yoga, éducatrice de santé et sophrologue. Aussi je les ai suivis longtemps parce que j’étais moi-même perdue et j’ai bien eu du mal à trouver ma propre place dans notre monde. Pendant un temps, j’étais inadaptée, et j’ai aussi passé beaucoup trop de temps avec des personnes qui ont tenté en vain de me faire rentrer dans un moule dans lequel je ne parvenais pas à rentrer. Mais, ça, c’est un autre sujet que j’aborderai dans un autre article.
Souvent, lorsque nous ne trouvons pas notre place quelque part, nous avons tendance à fuir. Et cette fuite prend souvent différentes formes. Certains s’éloignent à des milliers de kilomètres pour se créer une nouvelle réalité avec des personnes qui vivent la même situation qu’eux. D’autres s’engagent très activement au sein de groupes divers (écologistes, défense du droit des animaux, etc.), et certains partent même vivre isolés dans la nature (souvent en groupe ou proche d’un autre groupe). Ces entreprises leur permettent d’appartenir à une nouvelle communauté avec laquelle ils partagent les mêmes valeurs et les mêmes idéaux. Et bien souvent, c’est aussi parce qu’ils partagent ce même sentiment de ne pas être adaptés à notre société et se sentent ainsi perdus. J’ai moi aussi fait parti de ces gens. Je ne comprenais pas les atrocités qu’on pouvait voir dans le monde, le déni, les contradictions, les injustices sociales, les non-sens politiques, je ne comprenais pas non plus les façons de penser des autres, et je prenais tout cela beaucoup trop à cœur. D’une part parce que je suis hypersensible, mais d’autre part parce que j’étais inadaptée à la société. J’ai été en recherche, en « quête spirituelle » parce que c’était pour moi une manière de me déconnecter de la réalité. J’étais en plein déni, mais, à ce moment là, je n’étais absolument pas prête à faire face à ma réalité. Comme le dit justement Thierry Janssen dans son ouvrage Ecouter le silence à l’intérieur (2018), certains chercheurs spirituels ont tendance à se sentir isolés et incompris, voire exclus ou rejetés par la société. Nous pouvons même l’observer chez certains blogueurs influenceurs «bien-être » qui partent vivre à Bali des « expériences spirituelles ». Ils revendiquent ainsi leur liberté et le fait qu’ils n’aient plus aucune attache : appartement, travail, etc. Mais là-bas, ils ont malgré tout une attache : ils appartiennent à un groupe au sein duquel ils se sentent ainsi compris. Aussi, très souvent, ils cherchent l’approbation et la reconnaissance de ceux qui sont toujours dans la réalité qu’ils fuient à travers leurs réseaux sociaux. Ils font partis de ces êtres inadaptés dans notre société, ils n’y trouvent pas leur place et préfèrent ainsi lâcher cette matérialité qui participe à notre réalité. Leur sentiment d’appartenance et leur besoin conscient ou inconscient d’interdépendance, tout à fait humain, les rattrapent toutefois, il ne leur est pas possible de vivre cet isolement seuls. C’est donc là-bas qu’ils partent se chercher et se créer une autre réalité. Je passe ici tout l’aspect business qui est dans la continuité de ce que j’ai évoqué précédemment.
Pour moi, un être spirituel est une personne profondément adaptée, consciente, qui trouve suffisamment de recul pour ne pas se laisser affecter par ce qu’elle ne peut pas maîtriser. Être spirituel, c’est être SOI tout en étant profondément connecté à la réalité et être adapté à notre société. Etre spirituel c’est donc, selon moi, ETRE au monde. Parcourir un chemin spirituel c’est accepter notre monde tel qu’il est, accepter toutes les facettes de l’humanité et ainsi, continuer d’œuvrer pour des causes qui nous tiennent à cœur avec toujours beaucoup de passion, mais aussi avec la distance nécessaire pour notre bien-être. C’est cela, pour moi, le véritable équilibre. Trouver cet équilibre est, pour moi, la quête de sens, la spiritualité à proprement parler. Au cours de mon cheminement personnel, j’ai compris que le monde ne s’adapterait jamais à moi et que c’était donc ma mission que de m’adapter à celui-ci, avec ses avantages et ses inconvénients. Il m’a fallu, adulte, apprendre à me connaître, savoir qui était cette Alexandra sans ses conditionnements sociaux et éducatifs, et exercer en permanence dans toutes les situations qui se présentaient à moi dans ma vie, cet ajustement d’équilibre tout en respectant mes propres valeurs. Apprendre à vivre avec des pertes, mais derrière une perte, il y a toujours un bénéfice. La vie est ainsi une succession de pertes et de gains. J’ai compris aussi que courir à la recherche du bonheur est peine perdue. Le bonheur réside dans les petites choses du quotidien : se réveiller et sentir le contact de ses draps sur le corps le matin, prendre un café en lisant les nouvelles (toujours avec beaucoup de distance !), arroser ses jolies plantes, décorer son appartement, échanger avec un ami, créer, regarder un film, lire un livre, observer en silence quelques instants le paysage au travers notre fenêtre qu’il soit une architecture en ville ou un paysage de la campagne, sentir la chaleur des rayons du soleil traverser notre peau ou les gouttes de pluie couler sur cette dernière. Le bonheur c’est débanaliser ces petites expériences que nous vivons sans n’y prêter plus aucune attention, c’est les considérer comme acquises au point où nous les oublions au profit de notre mental qui nous pousse en permanence à répondre à des questionnements qui ne font qu’en soulever d’autres. Malheureusement cette liste de petites choses essentielles, non exhaustive, que j’ai citées ci-dessus, souvent banalisées, indiquent que nous sommes bel et bien en vie. Françoise Héritier, dans Le sel de la vie (2012) a parfaitement bien montré, simplement et efficacement, comment ces petites et magnifiques expériences sont en réalité le sel (les plus beaux moments) de notre vie. Souvent, les âmes perdues ont besoin de passer par maintes expériences, ici et là, se tester, se comparer, nourrir un vide qu’elles cherchent à combler en vain par les voyages ou les questionnements. Mais faire l’expérience du corps, d’être véritablement SOI et débanaliser tout ce que nous croyons acquis est selon moi ce qui fait que nous sommes heureux d’être au monde, d’être en vie.
La vie est toujours imparfaite et c’est justement ce qui fait qu’elle est la vie : tout bouge, tout est en mouvement permanent. N’oublions pas que c’est justement l’attachement aux choses impermanentes qui s’avère être la cause de toutes nos souffrances.
Merci à toi d’avoir lu ce texte jusque là.
Bien à toi,
Alexandra
Bibliographie :
Hormis les ouvrages que j’ai cités dans mon texte, j’ai également consulté ceux-ci :
https://www.littre.org/definition/spiritualit%C3%A9
https://www.cnrtl.fr/etymologie/spirituel
https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2008-5-page-72.htm