Apprendre à développer son empathie

Toi, moi et les autres… Altérités, entre individualités et humanités

Te souviens-tu de ma petite vidéo sur Instagram intitulée : « Sois gentil avec les autres, tu ne sais pas ce qu’ils traversent » ?

J’y expliquais dans celle-ci que nous pensions souvent à la place des autres, mais nous ne sommes pas dans leur tête et nous sommes parfois très loin d’imaginer ce qu’ils pensent. Histoire d’exposer une situation concrète, je vais prendre un exemple que j’aime beaucoup utiliser quand j’accompagne les personnes à reprendre leur pouvoir personnel.

La boîte aux lettres

Imaginons que tu es fatiguée, tes nuits ne sont pas vraiment paisibles et tu as des soucis professionnels et/ou personnels. Dans cette condition, tu pars chercher ton courrier à ta boîte aux lettres où tu y croises ton voisin, auquel tu dis bonjour, mais qui ne te réponds pas en retour. Pourtant, tu étais persuadée que ce dernier t’a vue et entendue. Cela va sans aucun doute te mettre en colère et probablement, tu te diras et partageras peut-être à tes proches : « mais quel con ce voisin, il n’a même pas répondu à mon bonjour, mais quel manque de respect », et tu vas probablement ressasser cet événement une partie de ta journée.

A l’inverse, imaginons la même situation mais, cette fois-ci, tu es reposée, tout va bien dans ta vie, tes amours, ton travail, etc. Tu es épanouie. Si ton voisin ne te répond pas, il y a de fortes chances que cela te « glisse » dessus et que tu oublies le fait qu’il ne t’ait pas répondu en l’espace de cinq minutes.

Oui, ton voisin a peut-être croisé ton regard, tu as donc cru qu’il t’avait vue, mais ce n’est peut-être pas le cas parce qu’il était dans son mental, peut-être était-il préoccupé par quelque chose? La capacité de présence n’est pas développée chez tout le monde et parfois, même si nous sommes physiquement présents, nous sommes en réalité dans nos pensées.

Oser être présent

Oui, peut-être t’a-t-il vue mais il ne t’a pas répondue parce qu’il n’en avait pas envie. Et alors ? Peut-être était-il préoccupé par quelque chose et qu’il n’avait pas envie de te parler ce jour ? Ou alors, imaginons encore un autre scénario : peut-être ne t’apprécie-t-il pas et qu’il n’a tout simplement pas envie de te dire bonjour ? Auquel cas, qu’est-ce que cela vient toucher chez toi ? Le fait de ne pas être aimée ou appréciée ? Cela te renvoie-t-il à une blessure ancienne comme celle du rejet que nous avons pour beaucoup d’entre-nous expérimenté dans notre vie, avec nos amis, dès l’enfance à l’école ou avec notre famille ? Peut-être cela te renvoie-t-il à une divergence de valeur parce que tu estimes que c’est la « normalité » de devoir dire bonjour à quelqu’un, qu’on l’apprécie ou pas. Cependant, peut-être que lui s’en fiche totalement et qu’il ne partage peut-être pas cette valeur avec toi. Bref. A quoi bon perdre son énergie à chercher un scénario possible à ce « manquement » de la part de notre cher voisin.

Je crois personnellement qu’il est plus intéressant de mettre son énergie ailleurs. Si jamais cela te touche, et que tu tiens à cette personne et à la relation que vous entretenez ensemble, le meilleur moyen de savoir ce qu’il se passe dans sa tête, c’est tout simplement de lui demander, plutôt que de se créer le scénario d’un film digne de remporter la palme du prochain festival de Cannes. Une question me vient alors : oserais-tu aller parler à ce voisin pour arrêter de ressasser et lui dire que cela t’a blessée ?

J’ai pris l’exemple du voisin, mais c’est valable avec n’importe qui. Bref, cela n’est pas vraiment le sujet du jour… Aujourd’hui, je te parle de ce qui vivent les autres, leur réalité, notre capacité d’empathie et à prendre du recul sur les situations que nous ne pouvons pas contrôler. Aussi, j’espère t’amener un petit éclairage à travers ces mots. En tant qu’anthropologue de formation, j’ai en effet toujours été extrêmement intéressée par le comportement des autres et j’avais donc vraiment envie de te partager une de mes réflexions en la couchant ici sur le papier.

Sur le papier

Dans un autre registre, j’ai un autre exemple à te proposer. Au cours d’un repas, quelqu’un m’a confiée ceci :

« Je ne comprends pas pourquoi ma sœur est déprimée, elle a tout pour être heureuse, de l’argent, un mari gentil, un travail qui lui permet de gagner un bon salaire et pourtant, elle passe son temps à se morfondre et elle est négative depuis des mois. Elle n’est franchement pas à plaindre. J’essaie de la secouer pour qu’elle se bouge et reprenne le dessus rapidement car cela ne peut pas continuer comme ça indéfiniment. Franchement, je ne comprends pas, on a pourtant eu la même éducation, les mêmes parents, attentionnés et aimants, ils nous ont tout donné, nous n’avions vraiment pas à nous plaindre. Je ne comprends pas, il faut qu’elle se bouge ».

A dire vrai, j’ai gardé cet exemple « au chaud » pendant plusieurs mois avant de le prendre pour exemple ici. Je trouve la réaction de cette femme très intéressante. Dans sa volonté de vouloir aider sa sœur, elle se méprend complètement. Bien qu’elle le croit fermement, de mon point de vue, je crois qu’elle n’a en réalité pas de compassion pour sa sœur, et je crois qu’elle n’a encore moins le droit et le pouvoir de la « bouger ». Il y a ainsi plusieurs croyances à détruire ici selon moi.

 « L’herbe n’est jamais plus verte ailleurs »

  • La première croyance : ce que les gens projettent n’est souvent pas la réalité de ce qu’il se passe chez eux. On croit bien souvent connaître les gens, mais il arrive fréquemment qu’on tombe de haut lorsqu’on apprend un adultère ou tout autre secret qu’on aurait jamais pu imaginer. N’as-tu jamais dit ou entendu : « jamais je n’aurais pu penser qu’il ou elle soit capable de cela ». « Jamais je n’aurais pu croire qu’il se droguait, jouait l’argent de ses enfants ou qu’il/elle était alcoolique ». « Jamais je n’aurais pu croire qu’il/elle maltraitait sa femme, son mari, ou qu’il/ elle maltraitait ses enfants ». Qui n’a jamais dit ça ? Cela n’est pas forcément du déni. Cela arrive fréquemment et même chez les gens bien (j’adore cette expression « les gens bien » Ha ha ! 😉 )

« L’herbe n’est jamais plus verte ailleurs », c’est un adage que je répète souvent et qui fait sens pour moi. Ce que projettent les gens ne montre en rien ce qu’ils sont véritablement et ce qu’il se passe vraiment chez eux. Ce que vous voyez sur les réseaux sociaux, par exemple, ou ce qu’on vous raconte au cours d’une conversation, les belles photos, les belles paroles, etc. Tout cela n’est pas forcément la réalité. C’est parfois « de la poudre aux yeux » comme on dit : la peur de montrer ses « faiblesses », la peur de déranger l’autre avec ses problèmes, etc., conduisent nombre de personnes à cacher la vérité à leurs amis et à leurs proches. Dans le fond, cette femme ne sait peut-être pas ce que vit sa sœur dans son intimité.

Qu’est-ce qui nous anime ?

  • La deuxième croyance : ce n’est pas parce qu’un emploi permet de gagner de l’argent que celui-ci nous rend heureux. Si l’emploi en question ne nous nourrit pas intérieurement, ne nous satisfait pas et que nous n’avons pas la reconnaissance dont nous avons besoin pour nous stimuler au quotidien, nous avons beau gagner des milliers d’euros, cela ne sera jamais l’argent qui comblera le vide de notre être. C’est notre capacité à faire quelque chose qui nous permet de nous sentir utile, qui nous rempli et qui a du sens pour nous, qui stimule notre cerveau, nous rend humain et donc profondément heureux. Et cela change tout au long de notre vie ! Un emploi qui nous a convenu pendant des années ne nous conviendra peut-être plus car nous changeons en permanence (l’impermanence des choses que je répète si souvent). Il est également tout à fait possible de n’avoir jamais été épanouie dans son emploi à cause de la peur de quitter la sécurité et le confort. Cela nous empêche de faire ce que nous souhaitons réellement car nous ne sommes pas prêts à affronter les dires des autres et à faire sortir notre cerveau de notre zone de confort. C’est parfois difficile, mais pas impossible. L’être humain est un individu qui fonctionne par habitude. Il en va de même avec les couples. Nombre de personnes restent ensemble par confort, non pas par amour. Et lorsqu’on ne vibre pas, qu’on ne partage plus rien et que l’amour ne nourrit pas tout notre être…mieux vaut partir plutôt que de rester et de se détruire la santé peu à peu. Là encore, cette femme se trompe sans doute, sa sœur ne trouve peut-être aucun sens à ce qu’elle fait dans son travail, elle reste peut-être avec son époux par habitude parce que cela demande de l’énergie de partir, énergie qu’elle n’a pas en raison de son état. Et puis, elle n’a peut-être tout simplement pas conscience qu’elle n’est pas épanouie. C’est normal, le cerveau cherche toujours à nous faire aller vers le plaisir pour nous protéger, non pas à nous faire du mal. C’est la raison pour laquelle le déni est monnaie courante chez l’être humain.

Friedrich Nietzsche a dit « aidetoi, toi-même : alors tout le monde t’aidera »

  • La troisième croyance : on ne peut pas « secouer » quelqu’un et l’obliger à se sortir d’une situation dont il n’a pas envie de se sortir. Oui, c’est parfois difficile à entendre, je le sais, mais personne ne peut aider personne. Chacun son chemin et chacun met le temps dont il a besoin pour se sortir d’une situation qui ne lui convient pas. La seule personne que nous sommes en mesure d’aider et à améliorer : c’est nous-même. J’observe autour de moi des personnes qui refont constamment les mêmes erreurs, sans s’en rendre compte, mais jamais je n’irai leur dire car cela n’est pas mon rôle. Si le problème est grave, on peut éventuellement leur signaler qu’une aide extérieure leur serait peut-être précieuse et bénéfique, et ajouter à cela que nous resterons toujours à leur disposition pour les soutenir, mais nous ne pourrons pas faire le travail à leur place. D’abord parce que les personnes en question ne seront peut-être pas en mesure d’entendre qu’elles ont besoin d’une aide, et parce qu’elles auront probablement besoin de refaire encore quelques erreurs pour intégrer la nécessité pour elles de changer. Il n’y a que l’expérience qui nous permet d’évoluer. Les paroles s’envolent. Quant au cerveau, pour intégrer et bien retenir une leçon, il a besoin de répétitions. C’est ainsi. C’est ce qui fait selon moi la beauté et la complexité de l’être humain. Selon qui nous sommes, selon notre histoire, notre capacité de résilience, nous mettons plus ou moins de temps à intégrer les schémas que nous répétons dans notre vie. C’est pourquoi, la sœur de cette femme, en tant qu’adulte responsable et autonome, a besoin qu’on la laisse vivre son expérience car vouloir la « sauver » et l’assister, avec tout l’amour qu’on peut lui porter, ne rendra service à personne. Notre rôle se cantonne à prévenir, mais pas de sauver l’autre et le changer.

Altérités

  • La Quatrième croyance : cette femme, inquiète pour sa sœur, ce qui est tout à fait légitime, croit que parce qu’elle a été éduquée de la même manière que celle-ci, elle devrait « aller bien ». Dans de nombreuses familles, les frères et sœurs sont parfois très différents alors qu’ils ont reçus plus ou moins la même éducation (et encore, tout dépend de notre place dans la fratrie). Des études ont d’ailleurs montré que des jumeaux ayant eu la même enfance avec des parents absents n’ont pas du tout vécu leur enfance de la même manière. L’un a trouvé son enfance formidable alors que l’autre s’est senti complètement abandonné. Ces deux sœurs ont donc reçu la même éducation, pourtant, elles ne l’ont pas du tout vécu de la même manière parce qu’elles sont deux personnes différentes, des personnalités différentes, et parce qu’il y a aussi d’autres choses beaucoup plus subtiles qu’il est indispensable de prendre en compte dans la construction d’un individu.

Notre première connaissance du monde

Notre première connaissance du monde est sensorielle. Avant l’acquisition de la parole, nos expériences de vie sont uniquement perceptives. Nos expériences de vie sont d’abord biologiques, au cours de la grossesse de notre mère. Notre expérience du monde est transmise par les hormones du stress, par l’odorat, l’audition et par le toucher, et elle devient encore plus perceptive par le toucher dès la naissance (notre vue n’est pas encore développée, un nourrisson ne distingue que des formes, sa vue se développe peu à peu). Ainsi, nos comportements sociaux et la confiance que nous allons avoir en nous et en la vie à l’âge adulte dépend de nos interactions précoces et de notre niche sensorielle de nos premiers mois de vie.

Par exemple, notre construction peut être altérée si nous n’avons pas de contacts physiques avec notre mère lorsque nous sommes nourrisson et, plus tard, enfant. En effet, cela peut arriver dans des situations diverses, comme par exemple, si nous avons été isolées à l’hôpital parce que notre mère n’était pas en mesure de s’occuper de nous (épuisement, baby blues, maladie, abandon, etc.). C’est le cas également selon si nous avons été au contact d’autres personnes, de sons divers, du silence, etc. Ces situations diverses interfèreront directement avec notre développement. En effet, la voix d’une mère, par exemple, sécurise son bébé. Si ce dernier n’a pas acquis certaines connaissances du monde de cette manière sensorielle, cela lui provoquera un sentiment d’insécurité, qui s’imprègnera dans son tout corps et entraînera une construction différente d’un enfant qui a acquis ces connaissances du monde autrement. Les études en psychologie sont nombreuses à ce sujet. Boris Cyrulnik, par exemple, est un des rares neuropsychiatres à avoir vulgarisé ces connaissances au grand public.

Ainsi, notre capacité à affronter les épreuves de notre vie vient directement de notre vulnérabilité émotionnelle, à cause d’un appauvrissement de notre niche sensorielle qui ne s’est pas construite correctement dès la naissance et l’enfance. Toute notre expérience personnelle est donc façonnée par notre développement et par notre histoire.

J’en reviens donc à mon point de départ : nous ne sommes pas dans la tête des autres et chacun se créé sa propre réalité selon son histoire, qu’il soit de la même famille ou non.

J’adore parler de la singularité des êtres humains avec les personnes que j’accompagne, qui me confient se comparer souvent, et penser à la place des autres. Je leur dis toujours ce que je viens de vous expliquer à travers ces mots et j’aime aussi leur partager ce que je vous ai récemment dit sur Instagram : nous sommes 7 milliards et demi sur terre et chaque individu comporte à peu près 30000 gènes différents. Parmi tous ces êtres, il n’y en a pas deux qui rassemblent les mêmes gènes. Il y a ainsi sur terre 7 milliards et demi de personnes différentes! Pas une seule identique! N’utilisez pas votre énergie à penser à la place des autres car vous ne savez pas ce qu’ils vivent, ne perdez pas de temps non plus à vous comparer aux autres ou à juger car vous ne savez rien d’eux, même si vous croyez savoir tant de choses. Nous sommes tous uniques. Ce sont mes années d’observation des interactions humaines en tant qu’anthropologue, et parce que je me suis ainsi intéressée de près à la psychologie que j’ai ainsi décidé d’accompagner les personnes qui ont besoin de se réapproprier leur vie, leur pouvoir personnel, à trouver leur équilibre et déployer leur talent. Si tu es ici, c’est sans doute que toi-même tu recherches cet équilibre. Qu’attends-tu pour passer à l’action ?

Je souhaiterais terminer ce texte par une citation de l’un de mes « éducateurs » qui résonne en moi, en hommage à un homme, un artiste iranien que j’ai croisé par hasard à Lyon, place Bellecour, lors d’une froide journée hivernale… Un homme inspirant, sage, profondément humain, qui m’a inspirée un texte que je publierai peut-être un jour…

« L’humanité ne se développe pas sous le régime d’une uniforme monotonie, mais à travers des modes extraordinairement diversifiés de sociétés et de civilisations ; cette diversité intellectuelle, esthétique, sociologique, n’est unie par aucune relation de cause à effet à celle qui existe, sur le plan biologique, entre certains aspects observables des groupements humains elle lui est seulement parallèle sur un autre terrain (…) ».

Levi-Strauss Claude, Race et histoire, Paris, édition folio, coll. essais, (1952) 1989.

Avec amour,

Prends-soin de toi.

Alexandra

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